Page:Segalen - René Leys.djvu/37

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— Je l’ai vu, prononce mon Professeur, avec un respect soudain…

Encore un arrêt. Je remets en route. Les chevaux, reniflant le retour, gagnent à la main. On ne peut plus trotter de front, et c’est un jeu d’adresse que d’éviter les grosses lanternes pendues à ras de terre entre les roues des chars à mules… Cependant mon compagnon pousse l’allure. Le train est un peu fou à travers tant d’obscurité encombrée… et c’est tout à fait ahuri que je m’arrête, à côté de son cheval dont il a sauté déjà, devant une boutique désobligeamment éclairée.

— Oh ! je suis en retard. Mon père m’attend depuis longtemps. Voulez-vous une tasse d’un thé de Pei-king comme vous n’en avez pas bu ?

Il va couvrir son retard de ma présence. J’accepte. Et j’aimerais le revoir en pleine lumière…

On entre. Maison européenne ridicule. Cependant, il est bien chez lui. Et le Père lui-même survient, me « reçoit », me fait asseoir, me remercie de bien vouloir m’occuper de son fils, — de son « mauvais diable de fils ». Je bois son thé, — en effet remarquable, — et ne songe qu’à m’en aller, l’éclairage de cet asile du négoce redonnant soudain à mon Professeur son air de tous les soirs, sous la lampe…

Et vraiment, tout est trop laid ! Un « amour » en fromage de Saxe tend les bras à des fleurs si éternelles qu’on peut les croire artificielles. Le service à thé vient de Satsuma, par Hambourg. Pas