Page:Segalen - René Leys.djvu/53

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si connu des Européens cependant. L’ignore-t-il ?

— Voyez-vous, je suis arrivé juste trois années trop tard. La vieille Impératrice est morte après soixante ans de règne. Lui aussi… après trente-quatre années de vie… seulement. Et peut-on même dire : de vie réelle ? Je ne sais plus. Je ne veux plus savoir…

Au fait, je suis bien démodé à m’inquiéter ainsi du Palais. Il est déjà « monument historique ». Il n’enferme plus rien de vivant. Quelques eunuques, quelques femmes périmées… et parfois, entre deux et quatre, au matin, le Grand Conseil avec ses Princes… fatigués…

René Leys s’anime tout d’un coup :

— Mais le Régent ! N’en parlez pas sans le connaître !

Et, de nouveau, de sa voix tiède et veloutée :

— Il est presque aussi intelligent que son frère, Lui, « qui s’en est allé montant au char du Dragon, s’abreuver aux neuf fontaines ».

(Ceci est dit avec respect, comme une citation chinoise.)

— Le Régent ! mais il ne désire qu’une chose ! Faire le bonheur de son peuple. Seulement il ne sait comment s’y prendre. Il essaie de voir le peuple de près. Quelquefois, il sort sans aucune escorte. Une nuit qu’il était allé passer à Ts’ien-men-waï… — Ts’ien-men-waï, c’est le… « dehors de la Porte Ts’ien… »