Page:Segalen - René Leys.djvu/74

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vert-de-saule, jaune de toits impériaux, grise de maisons d’habitants, si bien étalée dans sa plaine.

Je sais que, me détournant, me recueillant au sombre du monument qui me porte, je puis faire sonner du bout des doigts la cuve en bronze de la cloche… éveiller pour moi seul sa voix de fer et de cuivre et d’airain étouffé… qui découpe le temps des veilles, comme je viens de recadastrer l’espace étendu…

… Si je tarde ainsi à faire seller mon poney pour m’en aller à la Tour de la cloche, le soleil s’en ira crever derrière les « Collines de l’ouest » qui montent la garde à cinq ou six lieues sur la plaine… — Mais, dans ces jours du solstice des chaleurs, il fera clair encore à ma rentrée…

Je sais d’avance tout ce qui se fera, tout ce qui est… tout ce qui demeure impossible. Pourquoi fatiguer de redites ce manuscrit ?… — Mieux vaut sortir librement, plus tard, quand le jour se refermera, afin de mûrir le dessein, — grandi au fond du crépuscule incertain du seul rêve, — dans ce moment intérieur qui, roulant sur lui-même, ne se répète néanmoins jamais.

Même soir. — Le rendez-vous est bien ici. C’est bien un restaurant : cette façade où vont et viennent des conducteurs de chars, des marmitons portant des victuailles, des eunuques, hélas, ne portant désormais plus rien.

J’hésite, cependant. On n’entre pas ainsi impu-