Heureux de pouvoir gagner l’or qu’on lui promettait, Balaam se leva de grand matin, sella son ânesse, et se dépêcha de partir avec les envoyés de Balac. Le Seigneur fut irrité qu’il se fût mis en route sans demander ce qu’il devait faire.
Pendant le voyage, l’ânesse de Balaam s’arrêta tout court comme si elle voyait quelque chose d’effrayant. Elle se jeta de côté pour quitter le milieu du chemin ; Balaam voulut l’empêcher de s’écarter et la frappa ; l’ânesse s’arrêta en témoignant encore plus de frayeur, et voulut reculer au lieu d’avancer, Balaam la frappa plus fort, mais l’ânesse résistait toujours et montrait une véritable terreur. Balaam continua à la battre sans pouvoir la faire avancer ; elle finit par tomber sur ses genoux.
Jeanne. Pauvre bête ! c’est qu’elle était trop fatiguée.
Grand’mère. Non, ce n’était pas la fatigue ; c’était un Ange qui s’était placé devant l’ânesse ; il tenait à la main une épée nue et l’empêchait d’avancer. Balaam ne voyait pas l’Ange et continuait à battre la pauvre bête.
Par un grand miracle, Dieu permit que l’ânesse put parler ; elle dit donc à Balaam, d’une voix humaine et plaintive, comme l’eût fait une personne raisonnable :
« Que vous ai-je fait ? pourquoi m’avez-vous battue trois fois ?
— Parce que tu l’as mérité et que tu ne veux pas m’obéir. Je voudrais avoir une épée pour te tuer, répondit Balaam, aussi étonné qu’irrité.
— Ne vous ai-je pas toujours obéi et servi avec fidélité ? Vous ai-je jamais résisté ?
— Jamais, dit Balaam. et c’est pourquoi je te bats. »
Au même moment l’Ange se fit voir. Balaam, se prosternant jusqu’à terre, l’adora.
« Pourquoi as-tu battu ton ânesse par trois fois ? Elle t’a sauvé la vie, car si elle avait voulu passer, je t’aurais tué avec mon épée, et elle n’aurait eu aucun mal. Le Seigneur m’a envoyé pour m’opposer à ton voyage, que tu entreprends pour faire le mal. »