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Page:Segur - La Fortune de Gaspard.djvu/118

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Après des discussions sans fin, ils convinrent que Thomas prendrait la bringée pour deux cent soixante-quinze francs, et qu’il payerait au café la consommation, qui se montait à trois francs vingt-cinq centimes. Camus devait donner le pourboire, qui se montait à dix centimes ; ce dernier article fut débattu longtemps.

Enfin, Thomas était possesseur de la vache bringée tant regrettée. Quand il l’eut payée et qu’il tint la corde, il ne dissimula plus sa joie, et avoua à Camus combien il avait été désolé d’avoir manqué la bringée l’année d’avant, et qu’il ne l’aurait pas laissé aller pour trois cents francs. Camus était désespéré.

« Faut-il que je ne t’aie pas deviné ! Tu me fais perdre vingt-cinq francs ! Et ce Lucas qui en dit du mal ! Ce n’est pas gentil, ça, Lucas. À ton âge, être si futé ! »

Camus eut beau se désoler, Thomas triomphant emmena sa vache.

Thomas.

Cours vite en avant, mon Lucas, pour dire à ta mère que nous avons la bringée. C’est bien à toi que je la dois, car si tu ne m’avais pas fait vendre la cotentine de la Trappe, je n’aurais pas eu d’argent pour avoir ma bringée.

Lucas partit en courant ; le père Thomas suivit de loin traînant sa vache. Il n’était pas à deux kilomètres de la ville, que Lucas avait disparu courant toujours.