Page:Segur - La Fortune de Gaspard.djvu/46

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le père.

Parce que je vis comme un brave fermier que je suis ; que je ne me creuse pas la cervelle à étudier dans les livres ; que je me contente de ce que m’envoie le bon Dieu, et que je ne me ronge pas le cœur à désirer des millions que le bon Dieu n’a pas voulu me donner, puisqu’il m’a fait naître paysan.

Gaspard n’osa pas répondre, car il n’avait rien de bon à dire. On finissait la demi-heure de repos, et chacun se leva.

Thomas.

À présent, mes garçons, rentrons le trèfle qui a été bottelé ce matin. Toi, Guillaume, va chercher la grande charrette. Toi, Lucas, va aider à atteler. Toi, Gaspard, ramasse les râteaux et les fourches et va les porter près des bottes de trèfle. Et vous autres, femmes et garçons, allez faire des liens là-bas sous le pommier, et ramassez le trèfle sec pour être lié.

Chacun alla à son ouvrage, riant, chantant et se dépêchant. Gaspard soupirait, rageait et pestait contre les travaux des champs.

Il fallut bien qu’il travaillât, pourtant, et, comme disait son père, qu’il gagnât son pain.

« Demain, se dit-il, je m’arrangerai autrement, et j’aurai une bonne heure de repos, pendant que ce nigaud de Lucas s’échinera à travailler aux champs. »

Vignette de Bertall
Vignette de Bertall