Page:Segur - Les Deux Nigauds.djvu/167

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connaît pas les usages de la pension. Fallait-il l’assommer pour cela ? Au piquet tous, jusqu’à la fin de la récréation. »

La résistance était inutile, les élèves s’alignèrent contre le mur, laissant Innocent maître du champ de bataille. Il remit en ordre ses vêtements, ses cheveux, regarda les élèves d’un air de triomphe, et se promena de long en large derrière eux. Quand il les approchait de trop près, il recevait un coup de pied lestement détaché ; d’autres lui tiraient la langue, lui lançaient de petits cailloux, du sable, lui décochaient des injures et des menaces.

« Tu ne l’emporteras pas en paradis, mauvais mouchard ! lui dit Léon.

— Nous te corrigerons de faire le rapporteur, dit un autre.

— Je me mettrai près du maître, répondit Innocent.

— On saura, bien te trouver seul, mauvais Judas.

— M’sieu, dit Innocent, en s’approchant du maître d’étude, ils m’appellent Judas, mouchard, rapporteur, et je ne sais quoi encore.

LE MAÎTRE.

Taisez-vous, monsieur ; vous me fatiguez de vos plaintes. Ne les agacez pas, ils ne vous diront rien.

INNOCENT.

Je ne leur dis rien, m’sieu ; je me promène.