Page:Segur - Les Deux Nigauds.djvu/207

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grands que Coz avait si bien rossés avaient pris conseil de leurs camarades et avaient décidé que Coz ou Innocent recevrait le grand baptême ; ils étaient allés accrocher un pot de cirage à une ficelle au-dessus de la porte, de façon que la porte, en s’ouvrant, devait faire basculer le pot et le vider sur la personne qui sortirait la première ; ils étaient bien sûrs que ce serait Innocent ou un des siens, puisqu’il n’y avait qu’eux au parloir, et ils se vengeraient ainsi de la volée de coups que Coz leur avait donnée.

Les maîtres emmenèrent Innocent dans la cuisine, où on le savonna à l’eau chaude des pieds à la tête. Prudence avait voulu le suivre et donner ses soins à son jeune, maître. Simplicie et Coz étaient restés au parloir, Simplicie grondant Coz et lui reprochant d’avoir excité la colère des élèves en les injuriant et en les battant sans aucun motif. Coz ne disait rien et supportait avec une patience imperturbable les accusations malveillantes de Simplicie.

Enfin, Innocent rentra au parloir, blanc comme avant son baptême au cirage, et vêtu de sa plus belle redingote traînante, de son plus large pantalon à la mamelouk, de sa plus longue cravate à cornes menaçantes, et de ses bottes vernies à grands talons. Prudence était fière de la toilette de son jeune maître ; Innocent était si content de sortir avec ses plus beaux vêtements, qu’il ne songeait