Page:Segur - Les Deux Nigauds.djvu/316

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dont vous êtes les bourreaux, que vous rendrez imbécile, idiot, à force de tortures ! Je consigne toute la classe jusqu’à ce que j’aie pris les ordres de M. le chef de pension. Je vous défends de rire, parler, de bouger, de respirer… »

Le maître fut interrompu par des rires partis de tous les coins de l’étude.

« À bas le pion ! à bas le tyran ! cria-t-on de toutes parts.

— Messieurs…

— À la porte, le pion ! À la porte ! Une danse au pion ! Une danse à son capon !

— Messieurs… »

Une foule compacte d’écoliers lui coupa la parole en se ruant sur lui ; en une seconde il se vit entouré d’une quarantaine de furieux ; les uns lui tiraient les jambes, les autres le mordaient, d’autres l’accablaient de coups de poing, de coups de pied ; on le griffait, on le pinçait, on le secouait. La quantité devant à la longue l’emporter sur la qualité, le maître jugea prudent de ne pas attendre ; il se débarrassa de ses ennemis comme il put, et à grand’peine il parvint à gagner la porte, l’ouvrit, se précipita dehors, la referma à double tour et courut prévenir le maître de l’émeute qui venait d’éclater. Le maître n’était pas dans son cabinet ; il fallut le chercher dans la maison, et avant que le maître d’étude l’eût rejoint et l’eût amené à la porte de la classe, les pe-