Page:Segur - Les Deux Nigauds.djvu/368

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« Une passade à Gargilier ! » dit l’un d’eux.

Hop ! Il appuya ses mains sur la tête d’Innocent et le fit aller au fond.

« Une passade à Gargilier ! dit le second en le voyant revenir sur l’eau.

— Une passade à Gargilier ! » dit un troisième.

Innocent enfonçait, se débattait, revenait sur l’eau cherchait à reprendre sa respiration, replongeait de nouveau ; à la quatrième passade, il était haletant, il étouffait ; il faisait des efforts inouïs pour pousser un cri, un seul, espérant être entendu par ses amis, mais on ne lui en donnait pas le temps. Les petits malheureux, qui ne voyaient pas le danger de ces passades multipliées, ne cessaient de le faire plonger et replonger ; son air de détresse, ses mouvements convulsifs les amusaient au lieu de les toucher. Enfin, à une dernière passade, Innocent ne revint plus sur l’eau ; il flottait au fond ayant perdu connaissance. À ce moment les grands élèves arrivaient ; Paul sentit un corps que ses pieds repoussaient ; il plongea et retira le pauvre Innocent les yeux fermés, les mains crispées.

« Au secours ! cria-t-il ; au secours ! Gargilier est noyé ! »

Vingt élèves et les maîtres arrivèrent près de Paul et l’aidèrent à ramener sur le plancher le corps d’Innocent. On le porta dans la cabine des noyés, où les secours en usage lui furent prodigués :