Page:Segur - Lettres de la comtesse de Segur.djvu/238

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Je m’ennuie à mourir ; chaque soir je me couche en me disant : Dieu merci, encore une journée de moins à vivre ; et chaque matin : encore une journée à passer ! – Il y a un remède, mon cher; devenez amoureux, mais amoureux fou. – Je ne peux pas ; personne ne m’inspire ce sentiment. – Essayez et, si vous ne pouvez pas, employez le dernier remède ; faites-vous trappiste. – Sur ces entrefaites, on se met à étudier et à chanter, pour je ne sais quelle fête, un salut composé par L…[1]. Le maestro dirige la musique et les chanteurs; Mlle de … chante. L… est enchanté ; la demoiselle est enchantée ; après le salut il va chez les *** ; on l’accueille très bien ; la famille est musicienne, la demoiselle est très bonne musicienne, les atomes crochus se rencontrent, et finalement L… est amoureux. Les parens prennent des renseignements; ils sont excellens. Le colonel et sa femme répondent de lui comme d’eux-mêmes. L… se prononce; les parens l’agréent ; il y va tous les jours ; mais la fille reste incertaine ; elle hésite entre lui et le couvent ; une neuvaine succède à une neuvaine et elle ne se prononce pas. Voilà où en sont les choses ; c’est incompréhensible, un célibat éternel n’est pas sa vocation… et c’est cruel pour L… qui est réellement amoureux fou. – Tout Paris en parle[2]



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  1. Aussi bon compositeur que bon oflicier.
  2. Le mariage se fit enfin, pour le bonheur des deux époux et la joie des deux familles.