l’occupaient jadis, elle relance sans cesse Paul pour la mener de droite et de gauche ; tout le reste de l’ambassade se compose de jeunes fous dont l’ambassadeur défend la société intime à sa femme. Aujourd’hui Paul est en campagne depuis une heure pour la mener à Cristal-Palace ; il reviendra pour dîner ; c’est à six ou huit lieues de Londres. C’est malheureux pour l’ambassadeur d’être tombé sur une enfant pareille ; il doit à ses excentricités de toutes sortes une maladie de foie très grave causée par des colères comprimées ; ainsi cette jeune folle danse, tout en nourrissant ses enfans, jusqu’à quatre, cinq heures du matin ; elle enterre tous les bals. Le malheureux mari, ne pouvant la faire partir et ne voulant pas la laisser seule, livrée à tous ces hommes qui la font valser, polker et cotillonner, est obligé de rester et de ronger son frein en silence. Tout cela est pour expliquer l’isolement fréquent de Nathalie et l’utilité de ma présence. Si j’étais Paul, je sais bien ce que je ferais et surtout ce que je ne ferais pas ; mais Paul est lui-même et je suis moi-même. Et c’est parce que je suis moi, que je t’aime bien tendrement, que je sais apprécier toutes les belles et nobles qualités de ton cœur et de ton esprit et que je m’applaudis de te voir le mari de ma chère Olga ;… tu seras le mari modèle qui me servirait de type si j’avais l’inconvénient d’écrire des romans. Adieu, cher enfant modèle, fils et frère modèle, je t’embrasse tendrement en attendant que tu perfectionnes le mari modèle. Embrasse pour moi notre monde Ségur et transmets mes affectueux souvenirs à Adèle, Arthur et Jean. Donne de mes
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