Page:Segur - Lettres de la comtesse de Segur.djvu/320

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À LA VICOMTESSE ÉMILE DE PITRAY


Paris, 26 mai 1873.


Chère petite… Après deux journées suffocantes, surtout celle d’hier, nous sommes retombés dans un froid glacial et une pluie glaciale ; cela va achever les pauvres récoltes. — Nous voici en pleine sécurité avec Mac-Mahon. Thiers, après avoir envoyé sa démission à la Chambre, attendait la réponse qu’il était certain devoir être un refus, accompagné d’un vote de confiance. Quand le messager lui a apporté l’acceptation de sa démission, il a fait une figure horrifiée, il a fait répéter le message trois fois, puis il est devenu pâle, il est retombé dans son fauteuil, il s’est mis à pleurer, à sangloter et il a renvoyé tout le monde. Quand il est rentré chez lui, plus de factionnaire, de poste, de guérites ; le commandant avait immédiatement transporté le tout chez Mac-Mahon. Tout le monde est dans la joie ; la sécurité est dans tous les esprits ; la diplomatie est enchantée ; les pèlerinages ont plus de cours que jamais. C’est la Sainte Vierge (N.-D.-de-Bon-Secours) et les saints Jésuites massacrés le jour anniversaire du renversement de Thiers et de la nomination de Mac-Mahon, qui ont obtenu du bon Dieu notre pardon et notre réhabilitation en ce monde. Adieu, ma chère enfant ; j’hésite encore si j’irai droit à Livet en juillet ou si je commencerai par Kermadio. Gaston ira à Kermadio,