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Page:Segur - Pauvre Blaise.djvu/19

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Quand la voiture fut hors de vue, le mari et la femme se regardèrent d’un air chagrin ; ils fermèrent lentement la grille, rentrèrent sans mot dire dans leur maison et s’assirent près d’une table sur laquelle était préparé leur frugal dîner. Blaise vint les rejoindre et, de même que ses parents, se plaça silencieusement près de la table.

« Mon ami, dit enfin Mme Anfry, comment trouves-tu les domestiques des nouveaux maîtres ?

— Mauvais, répondit Anfry ; grossiers, mauvaises langues. Mauvais, répéta-t-il en soupirant.

Madame Anfry.

Blaise craint que les maîtres ne soient guère meilleurs.

Anfry.

Cela se pourrait bien ! Ce ne sera pas comme avec les anciens qui n’y sont plus. Blaise, mon garçon, ajouta-t-il en se tournant vers lui, ne va pas au château ; n’y va que si on te demande, et restes-y le moins possible.

Blaise.

C’est bien ce que je compte faire, papa ; je n’ai pas du tout envie d’y aller. Quand mon cher petit M. Jacques y demeurait, c’était bien différent ; je l’aimais et il voulait toujours m’avoir… Je ne le reverrai peut-être jamais ! Mon Dieu ! mon Dieu ! que c’est donc triste d’aimer des gens qui vous quittent. »