Page:Selden – Les Derniers Jours de Henri Heine, 1884.djvu/25

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sentais qu’en le défendant, je me défendais en quelque sorte moi-même, et qu’en rompant de bonne heure des lances pour mon poète favori, je préparais mon propre plaidoyer pour le jour où j’aurais, comme lui, à me débattre contre la méchanceté et la sottise humaines. Mon admiration profonde pour l’auteur du Livre des Chants ne pouvait manquer de me le rendre sympathique ; mais, si je ne me trompe, il m’aimait surtout pour certains traits de ressemblance qu’il croyait découvrir entre lui et moi. L’horreur de la routine, du laid, du vulgaire, la haine du convenu, le dédain de l’emphase, des phrases et des sentiments creux, avant tout et surtout, l’amour excessif de la fantaisie, le culte fanatique du beau, lui avaient révélé chez moi les marques d’un esprit indépendant. Il me savait gré de n’être point banale, et se plaisait à me le faire entendre. « Nos esprits, me disait-il, sont proches parents, et c’est pourquoi je n’ai rien à te cacher. »