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LE NOTAIRE JOFRIAU

cable, le pas fut vite franchi : elle irait en Amérique avec les missionnaires.

Rentrée chez ses parents, elle leur fit part de sa décision non pas en implorant leur consentement, mais en intimant un ordre :

— Des Dames Ursulines s’en vont à Québec, je pars avec elles. Ma tante Anne sera heureuse de me recevoir, car nous avons si bien accueilli son fils.

Monsieur et Madame Duval-Chesnay éprouvèrent une pénible surprise, et la mère s’exclama, éperdue de chagrin. Mais le notaire eut l’immédiate conviction que, seul, l’espoir de revoir celui qu’elle aimait guidait Suzanne. Lui-même, devant la persistante mélancolie de sa fille ne réprouvait pas, bien au contraire, l’idée d’une union entre elle et son neveu. De plus, l’occasion lui sembla doublement propice. Le ministre des finances avait pressenti monsieur Duval-Chesnay à propos d’un voyage probable de ce dernier au Canada, dans le but d’y traiter pour le roi d’importantes affaires avec le gouverneur général. Le notaire en avait déjà dit un mot à sa femme, mais aucune décision définitive n’avait été prise encore. Le nouveau caprice de Suzanne devenait ainsi moins impossible à satisfaire. La coïncidence du départ des religieuses en facilitait au contraire la réalisation. Monsieur Duval-Chesnay ne pouvait confier leur enfant à une protection plus sûre ; d’autant mieux que l’une des deux missionnaires avait été l’institutrice de Suzanne qui