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positions, votre droiture n’aura d’autre inconvénient que de vous exposer à des dangers que les moindres entreprises, que les démarches indispensables au milieu du monde ne vous offriront pas moins souvent, et dont vous êtes environné par cela seul que vous vivez sur la terre.

Si même cette droiture invariable était plus difficile, plus périlleuse, si elle exigeait de grands sacrifices, en serait-elle moins la première loi dans une société d’hommes ? Où vous arrêterez-vous, si vous passez une fois ces bornes sacrées ? Comment une société subsistera-t-elle sans l’inviolabilité des conventions ? formerez-vous un corps, si, dans votre réunion, chacun n’est pas regardé sincèrement comme une partie essentielle de cette réunion même ? Si l’unité, la concorde n’est pas substituée à l’opposition des vues personnelles, vous serez plus malheureux et plus vils que l’habitant des forêts. Le défaut de lumières est son excuse, et il ne connaît d’autre repos que cette sauvage indépendance. Mais vous, c’est volontairement que vous manquez aux lois de l’association, et que vous détruisez ce qui vous distinguait de la brute : vous prostituez la parole, cette faculté d’exprimer ce qu’on sent et ce qu’on pense,