Page:Senancour - Rêveries, 1833.djvu/24

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affections de l’espèce seraient prises en considération presque indépendamment des différences personnelles, qui d’ailleurs, moins extrêmes alors, n’altéreraient pas l’unité de la législation, et laisseraient aussi chacun s’éloigner moins dans ses vœux de l’ordre général.

Celui qui se demande quel sera l’emploi de ses forces, et qui porte ses regards sur les dons ordinairement laissés aux mortels, sur ce qu’ils poursuivent avec le plus d’opiniâtreté, celui-là ne voit rien qui ne soit près de lui devenir indifférent. On périrait néanmoins avec plus de tristesse en ne travaillant pas à éluder la loi fatale ; on serait nul à jamais, comme un grain de sable emporté par le vent du désert. Que vouloir enfin et qu’aimer au milieu de tant de plaisirs trompeurs, ou de préceptes contradictoires ? Peut-être vous livrerez-vous sans choix, sans goût, sans intérêt, au cours des journées, mais, en éprouvant les effets du malheur public, du moins vous en chercherez les causes.

La nature semblait ne nous assujétir qu’à des peines momentanées, à des souffrances presque toutes accidentelles ; le sort des humains n’était pas nécessairement mauvais. Le principe de nos longs désordres se trouve dans un petit nombre d’erreurs très-anciennes ; ainsi nos principales imperfections,