Page:Senancour - Rêveries, 1833.djvu/34

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Plus tranquille, amuse-toi de ce mouvement, sans opposer à la loi inconnue un effort inutile et malheureux.

« L’existence ne peut appartenir à un être limité ; mais le tout existe perpétuellement, irrésistiblement, sans autre cause, sans autre effet. Nul acte n’est particulièrement naturel, puisque nul acte ne saurait être hors de la nature. Elle ne veut rien, elle ne condamne rien ; sans dessein, comme sans choix, elle s’avance, toujours indifférente, mais toujours invincible. Elle est parce qu’elle était, elle sera parce qu’elle est ; elle absorbe, elle modifie sans relâche les agrégations de la substance inaltérable. Les formes se développent, s’effacent, se reproduisent dans une série sans terme, et, de tout ce qui reste possible, se composera, d’une manière nouvelle à jamais, la constante mobilité des choses.

» S’il était à nos yeux quelque désordre dans cette impulsion, nous devrions en conclure que l’apparence nous abuse. L’illusion du mal est individuelle. Le mal pour l’être sensible c’est ce qui peut le détruire ; mais rien n’altère l’ordre général composé de ces changemens mêmes. Ce qui paraît un mal devient aussi un bien, et tout ce qui paraît un bien peut produire du mal sous d’autres rapports. Comment le résultat universel, l’ensemble des cho-