Page:Senancour - Rêveries, 1833.djvu/350

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suivez des fantômes, et vous perdez ce qui vous appartenait. N’écoutez que l’intelligence qui dévoilera le monde. Ne considérez que les mortels qui ont besoin de soutien dans l’immensité vivante. Même au milieu du doute, cherchez les fins probables, et ne vous séparez pas de l’ensemble des choses. Il faut servir l’intelligence ; il faut détromper les hommes.

Souvenez-vous de l’ordre que ne pourront intervertir les forces arbitraires : attachez-vous à ce qui apparaîtra comme réel et immuable. L’ordre est le premier désir d’une ame pure, d’une ame simple. Vous contribuerez à l’ordre avec calme ; il vous suffira que l’ascendant de la vérité s’accroisse. Vous opérerez ce bien par la fermeté, par la modération, par une industrie exempte de recherche, de faste, de cupidité.

Quelque faible que soit votre œuvre, proposez-vous de la conformer à ce qui est bon essentiellement. Vivez en vous-même ; la pensée n’a point de limites connues, et c’est le renoncement qui rend la pensée féconde. De ces choses multipliées, que l’homme voudrait avec passion, aucune ne lui est nécessaire. Ce qui arrive passe à jamais : cela seul subsistera, qui est, et qui fut toujours.

Périsse la vaine espérance des biens personnels. Vos heures seront troublées ; c’est la loi présente.