Page:Senancour - Rêveries, 1833.djvu/50

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selon les convenances du plan général, produisent le monde tel qu’il se perpétue.

Le Milésien célèbre qui avait été en Égypte, et qui, dit-on, admettait l’unique source de vie, l’ame du grand tout, regardait l’eau comme le principe matériel des choses connues. Vingt-quatre siècles écoulés depuis ne nous ont pas fourni des notions beaucoup plus sûres. L’eau produit des concrétions. L’atmosphère des comètes n’a-t-elle pu former des masses planétaires ? Toute la substance de plusieurs globes était réunie et légèrement adhérente ; c’était un océan ténébreux, le chaos des Phéniciens. Un art infaillible rapprocha ces masses, les distingua, les balança, les distribua dans l’espace, et projeta pour long-temps ces agrégats sur des lignes variées.

Néanmoins nous attribuons trop de constance aux divers mouvemens célestes, nous qui n’observons que des minutes du cours des astres. Immenses relativement à notre petitesse, ils nous semblent invariables parce que nous les connaissons peu. Les parties qui les composent changent et finiront : le monde n’est que la succession des formes. L’insecte éphémère qui apercevrait des hommes plongés dans le sommeil, et qui remarquerait en eux le jeu de la respiration, leur attribuerait une vie silencieuse, égale et sans terme. Mais ensuite s’il les voyait ré-