l’autre est déplorable ; et, dans des positions que des yeux prévenus pourroient trouver semblables, leurs destinées réelles diffèrent comme leurs cœurs.
La misère n’est pas dans la non-possession de ce qui ne nous est point d’une nécessité absolue, mais dans l’opposition entre les besoins et la possession, surtout entre les désirs et les espérances. Le plus fortuné des hommes est souvent plus misérable que celui qui ne possède rien ; car désirant encore, il manque en effet, et sent davantage la privation de ce qu’il envie que la jouissance de ce qu’il possède. La misère n’est pas précisément dans la privation, mais dans ce que la privation a de contraint, de pénible et de perpétuel. Elle navre le cœur, parce qu’elle prouve une grande foiblesse dans celui à qui ce qu’il veut constamment est constamment refusé. La misère est encore produite par une sorte de comparaison envieuse où nous conduit le sentiment de l’injustice, joint à celui de l’humiliation. Il faut que l’on imagine, ou que l’on voie un sort meilleur ; que l’on soit plus pauvre que l’on le pourroit être, plus que ne l’est tel autre ; que l’on trouve à sa pauvreté quelque chose d’abject, soit par le sentiment de son