Page:Senancour - Rêveries sur la nature primitive de l’homme, 1802.djvu/211

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respecter les propriétés, il établit l’esprit de propriété ; s’il fait des honnêtes gens, il fait des égoïstes. Il polit les hommes, mais il les affoiblit et les altère ; il adoucit les vices des ames fortes, il émousse leur rudesse sauvage, mais en éteignant toute leur énergie, mais en énervant toutes leurs facultés ; il fait les hommes plus petits, les fait-il meilleurs ?

Un mot encore. Chez les peuples pasteurs de l’antique tradition, les troupeaux paissant librement dans les pâturages heureux, n’étoient rappelés que par le son des instrumens qu’ils aimoient. Souvent la dent sauvage de l’ours ou du lion dévoroit une victime, ou l’homme plus insensé sacrifioit une hécatombe. Dans notre froid Occident sont-ils plus heureux, protégés, mais déchirés constamment par la dent mercenaire des chiens que commandent de misérables pâtres ? et si nous n’avons plus de sacrifices, n’avons-nous donc pas des boucheries ?