Page:Senancour - Rêveries sur la nature primitive de l’homme, 1802.djvu/240

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fable espérance, ne fût-elle qu’un rêve, consolera nos douleurs, affermira nos volontés abattues, et ranimera, dans nos cœurs flétris, la passion du bien et la sécurité d’une philosophie sublime et impassible.

S’il se trouvoit que l’immortalité fût chimérique, et que cette erreur pourtant fût bonne parmi nous, ce seroit une grande preuve, ajoutée à tant d’autres, que nous sommes hors des véritables voies.

En seroit-il de même de notre liberté ? Que de subtilités pour substituer des rêves qui nous flattent, aux conceptions naturelles que nous rejetons parce qu’elles renverseroient notre œuvre factice !

Qu’entend-on par liberté ? le tout n’est-il pas essentiellement selon sa nature ? a-t-il le pouvoir d’être autre qu’il n’est ? de n’être pas lui-même ?

L’individu est-il libre ? l’action nécessaire de l’être universel ne nécessite-t-elle pas les modifications de ses parties ? Si un seul être est libre, l’univers n’a plus de forme déterminée ; le mode de son existence n’est plus qu’un fantôme.

On a dit très-bien, le hasard n’est que le cours inapperçu de la nature. La liberté