Page:Senancour - Rêveries sur la nature primitive de l’homme, 1802.djvu/246

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queroient parfaitement dans ce principe. Quant aux trois âmes de Platon, elles se réduisent naturellement à deux.

On a dit : il n’existe point de biens ; ce que nous nommons ainsi n’est que l’absence du mal. On a dit : le mal n’est point, il ne faut entendre par ce mot que la négation du bien.

Sans doute il est des maux qui ne sont que la privation des biens ; et quelquefois la jouissance n’est autre chose que ce bien-être qui résulte de l’absence de la douleur, et dont on ne jouit que par comparaison ; mais on ne sauroit mettre dans cette classe tous les biens et tous les maux sans exception ; au contraire il n’en est qu’un petit nombre que l’on y puisse rapporter : tout le reste est bien ou mal positif. C’est ainsi que l’on pense d’abord ; et si cette croyance n’est pas la vérité, du moins ce n’est qu’à force de distinctions et de subtilités que l’on parvient à l’infirmer ; elle sera donc reçue par-tout où l’on ignorera le mérite des sophismes et l’art de disputer.

Dans l’alternative de ces deux hypothèses exclusives, tout est mal, ou tout est bien ; la première ne paroît pas soutenable : comment imaginer une cause au mal général, l’ordre résultant du mal-être universel, et une per-