cile, et que cet abandon si naturel à tous les hommes, exige maintenant un héroïsme sublime auquel très-peu d’entre eux pourraient prétendre. La différence des conditions est si grande que dans cet état factice il y a plus de distance entre le sort des individus d’une même espèce que la nature n’en avoit mis entre les habitudes et la vie des espèces diverses. L’on voit d’un côté tant d’avantages, et de l’autre tant de maux, que bien peu se pourront résoudre à se laisser conduire les yeux fermés par l’aveugle sort. Ainsi chacun faisant, à peu près dans les mêmes sens, un effort qui pourtant s’oppose à l’effort de tous, dans ces réactions multipliées tout est incertain, bouleversé, soumis à des lois incalculables ; nous nous livrons à un perpétuel hasard, en espérant constamment le fixer ; les talens les plus subtils échouent par des causes inapperçues ; et le plus heureux même d’entre nous a passé sa vie à préparer la situation dans laquelle il la vouloit passer. À l’heure suprême du silence des cœurs, quand le feu de la vie s’éteint, quand les illusions qu’il alimentoit se dissipent pour jamais, nous sourions amèrement à la vanité de nos efforts ; mais la génération qui s’enflamme au moment qui nous refroidit,
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