séduisent le vieillard même malgré sa dure expérience, et l’espérance ne doit point être comptée ici. Pour déduire de cette estimation l’effet véritable de notre perfectibilité exagérée, il faudroit connoître impartialement l’état de l’homme encore entre les mains de la nature, état fort peu connu de ceux qui font ces sortes de recherches ; car s’il le connoissoient, sûrement ils ne les feroient pas, et la question seroit résolue. Voici donc comment je pense qu’elle devroit être posée.
Nos jouissances factices donnent-elles plus qu’elles n’ont coûté ? la balance est-elle égale entre le travail, les privations, les maux qu’elles ont causé, et les plaisirs qu’elles ont créé ? Je ne demande pas même que l’on compare les salons des riches, aux grabats des pauvres ; ou la volupté d’un déjeûner apporté des Indes, avec l’incalculable multiplicité de travaux, de dangers et de Crimes qu’il a coûté, en suivant le nègre dans l’esclavage des habitations, et le négociant à travers les orages dé l’Océan ; je demande que ceux mêmes qui n’ont dans ce partage inégal que celui des jouissances me disent, si en général et durant le cours de leurs vies, leurs plaisirs mêmes ne leur ont pas plus coûté qu’ils n’ont