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sante et dangereuse ; mais une fois entraîné, il ne s’arrêtera pas qu’il ne soit précipité. Le voilà avide d’étendre ses facultés, d’en multiplier les actes, de connoître, d’atteindre, de pouvoir, de posséder, d’exister davantage de cette existence sentie, attribut d’un composé organisé.

Avide d’alimenter ce besoin immodéré, mais retenu par la douleur qui le force à un choix, d’abord il repousse les sensations pénibles ; bientôt il dédaigne celles mêmes qui ne sont qu’indifférentes, et change en passion ce simple besoin de jouir, qui étoit primitivement très-limité, comme l’étoit le besoin d’être mu, borné lui-même dans les limites naturelles du besoin d’être conservé.

De ces sources découlent toutes les passions appétentes ; elles ne sont que les expressions diverses de cette extension du besoin d’être actif, extension que nécessairement l’on cherche à diriger dans des voies heureuses ou spécieuses.

Dans les passions appétentes sont compris tout désir, toute ardeur, tout amour ; la joie, l’enthousiasme, l’orgueil, l’ambition, la volupté, le goût des arts, le désir de la science, le besoin de penser, la générosité, l’audace,