Page:Senancour - Rêveries sur la nature primitive de l’homme, 1802.djvu/67

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Le plus léger des accidens extérieurs, un son, un mouvement suffisent pour nous distraire des méditations les plus importantes ; il faut tout l’enthousiasme extatique pour retenir la pensée sur son premier objet, lorsque nos sens frappés par une impulsion extérieure, viennent lui en apporter un nouveau. Cette dépendance des impressions reçues du dehors rend favorable à l’abandon de la pensée la succession douce et égale des impressions légères, et la continuité d’un mouvement facile. Dans un silence et une inaction absolue, la pensée seroit pénible, l’existence même seroit fatiguante. Il est difficile de créer en nous le mouvement, mais nous aimons à être mus par une impulsion donnée ; celle même que nous produisons en nous, tarde peu à se modifier selon une direction générale, et si nous nous oublions un moment, nous nous trouvons bientôt dans une sorte d’accord avec ce qui nous environne. Tout tend à l’unisson dans une sphère d’activité. Le mouvement est même plus facile que le repos à un corps jeté parmi d’autres corps en mouvement ; il est entraîné, s’il ne fait constamment un effort contraire ; mais qu’il s’abandonne, il recevra sans peine autant d’activité qu’il en eût pu produire dans