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comment garder. Mais ces origines qui échappent à l’art par excellence, à la science héraldique, se trouvent prouvées par le fait. Dans la foule la plus confuse, on distinguera facilement les petits-neveux des Scythes[1] et tous les pieds-plats reconnaîtront leurs maîtres. Je ne me ressouviens point des formes plus ou moins nobles de votre pied, mais je vous avertis que le mien est celui des conquérants : c’est à vous de voir si vous pouvez conserver avec moi le ton familier.

LETTRE XXIX.

Paris, 2 mars, III.

Je n’aime pas un pays où le pauvre est réduit à demander au nom du ciel. Quel peuple que celui chez qui l’homme n’est rien par lui-même !

Quand ce malheureux me dit : Que la bonne Vierge !... Quand il m’exprime ainsi sa triste reconnaissance, je ne me sens point porté à m’applaudir dans un secret orgueil, parce que je suis libre de chaînes ridicules ou adorées, et de ces préjugés contraires qui mènent aussi le monde. Mais plutôt ma tête se baisse sans que j’y songe, mes yeux se fixent vers la terre, je me sens affligé, humilié, en voyant l’esprit de l’homme si vaste et si stupide.

Lorsque c’est un homme infirme qui mendie tout un jour, avec le cri des longues douleurs, au milieu d’une ville populeuse, je m’indigne, et je heurterais volontiers ces gens qui font un détour en passant auprès de lui, qui le voient et ne l’entendent pas. Je me trouve avec humeur au milieu de cette tourbe de plats tyrans ; j’imagine un plaisir juste et mâle à voir l’incendie vengeur anéantir

  1. Plusieurs savants prétendent que les Francs sont le même peuple que les Russes.