Page:Senancourt Obermann 1863.djvu/167

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sens pas heureux. Le pacte qui m’opprime doit-il être irrévocable ? Un engagement onéreux dans les choses particulières de la vie peut trouver au moins des compensations, et on peut sacrifier un avantage quand il nous reste la faculté d’en posséder d’autres ; mais l’abnégation totale peut-elle entrer dans l’idée d’un homme qui conserve quelque notion de droit et de vérité ? Toute société est fondée sur une réunion de facultés, un échange de services ; mais quand je nuis à la société, ne refuse-t-elle pas de me protéger ? Si donc elle ne fait rien pour moi, ou si elle fait beaucoup contre moi, j’ai aussi le droit de refuser de la servir. Notre pacte ne lui convient plus, elle le rompt ; il ne me convient plus, je le romps aussi : je ne me révolte pas, je sors.

C’est un dernier effort de votre tyrannie jalouse. Trop de victimes vous échapperaient ; trop de preuves de la misère publique s’élèveraient contre le vain bruit de vos promesses, et découvriraient vos codes astucieux dans leur nudité aride et leur corruption financière. J’étais simple de vous parler de justice ! j’ai vu le sourire de la pitié dans votre regard paternel. Il me dit que c’est la force et l’intérêt qui mènent les hommes. Vous l’avez voulu ; eh bien ! comment votre loi sera-t-elle maintenue ? Qui punira-t-elle de son infraction ? Atteindra-t-elle celui qui n’est plus ? Vengera-t-elle sur les siens un effort méprisé ? Quelle démence inutile ! Multipliez nos misères, il le faut pour les grandes choses que vous projetez, il le faut pour le genre de gloire que vous cherchez ; asservissez, tourmentez, mais du moins ayez un but ; soyez iniques et froidement atroces, mais du moins ne le soyez pas en vain. Quelle dérision, qu’une loi de servitude qui ne sera ni obéie ni vengée !

Où votre force finit, vos impostures commencent ; tant il est nécessaire à votre empire que vous ne ces-