Page:Senancourt Obermann 1863.djvu/173

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conseiller dans la vie, mais non un devoir qu’on puisse prescrire à celui qui s’en retire. Tant que vous usez des choses, c’est une vertu obligatoire ; à ces conditions, vous êtes membre de la cité : mais quand vous renoncez au pacte, le pacte ne vous oblige plus. Qu’entend-on d’ailleurs par être utile, en disant que chacun peut l’être ? Un cordonnier, en faisant bien son métier, sauve à ses pratiques des désagréments ; cependant je doute qu’un cordonnier très-malheureux soit en conscience obligé de ne mourir que de paralysie, afin de continuer à bien prendre la mesure du pied. Quand c’est ainsi que nous sommes utiles, il nous est bien permis de cesser de l’être. L’homme est souvent admirable en supportant la vie ; mais ce n’est pas à dire qu’il y soit toujours obligé.

Il me semble que voilà beaucoup de mots pour une chose très-simple. Mais quelque simple, que je la trouve, ne pensez pas que je m’entête de cette idée, et que je mette plus d’importance à l’acte volontaire qui peut terminer la vie qu’à un autre acte de cette même vie. Je ne vois pas que mourir soit une si grande affaire ; tant d’hommes meurent sans avoir le temps d’y penser, sans même le savoir ! Une mort volontaire doit être réfléchie sans doute, mais il en est de même de toutes les actions dont les conséquences ne sont pas bornées à l’instant présent.

Quand une situation devient probable, voyons aussitôt ce qu’elle pourra exiger de nous. Il est bon d’y avoir pensé d’avance, afin de ne pas se troubler dans l’alternative d’agir sans avoir délibéré, ou de perdre en délibérations l’occasion d’agir. Un homme qui, sans s’être fait des principes, se trouve seul avec une femme, ne se met pas à raisonner ses devoirs ; il commence par manquer aux engagements les plus saints : il y pensera