Page:Senancourt Obermann 1863.djvu/188

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fallait en rendre le besoin sensible à tous les individus. Il fût resté moins de scélérats que vos dogmes n’en laissent ; et vous eussiez eu de moins tous ceux qu’ils font.

On dit que les premiers crimes mettent aussitôt dans le cœur le supplice du remords, et qu’ils y laissent pour toujours le trouble ; et on dit qu’un athée, s’il est conséquent, doit voler son ami et assassiner son ennemi : c’est une des contradictions que je croyais voir dans les écrits des défenseurs de la foi. Mais il ne peut y en avoir, puisque les hommes qui écrivent sur des choses révélées n’auraient aucun prétexte qui excusât l’incertitude et les variations : ils en sont tellement éloignés, qu’ils n’en pardonnent pas même l’apparence à ces profanes qui annoncent avoir reçu en partage une raison faible et non inspirée, le doute et non l’infaillibilité.

Qu’importe, diront-ils encore, d’être content de soi-même, si l’on ne croit pas à la vie future ? Il importe au repos de celle-ci, laquelle est tout alors.

S’il n’y avait point d’immortalité, poursuivent-ils, qu’est-ce que l’homme vertueux aurait gagné à bien faire ? Il y aurait gagné ce que l’homme vertueux estime, et perdu seulement ce que l’homme vertueux n’estime pas, c’est-à-dire ce que vos passions ambitionnent souvent malgré votre croyance.

Sans l’espérance et la terreur de la vie future, vous ne reconnaissez point de mobile ; mais la tendance à l’ordre ne peut-elle faire une partie essentielle de nos inclinations, de notre instinct, comme la tendance à la conservation, à la reproduction ? N’est-ce rien de vivre dans le calme et la sécurité du juste ?

Dans l’habitude trop exclusive de lier à vos désirs immortels et à vos idées célestes tout sentiment magnanime, toute idée droite et pure, vous supposez toujours que