Page:Senancourt Obermann 1863.djvu/192

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reurs le faisait oublier lui-même ; les autels les plus fréquentés étaient ceux des Césars.

C’était une des grandes époques de l’histoire du monde : il fallait élever un monument majestueux et simple sur ces monuments ruinés de diverses régions.

Il fallait une croyance morale, puisque la pure morale était méconnue ; il fallait des dogmes impénétrables peut-être, mais nullement risibles, puisque les lumières s’étendaient. Puisque tous les cultes étaient avilis, il fallait un culte majestueux et digne de l’homme qui cherche à agrandir son âme par l’idée d’un Dieu du monde. Il fallait des rites imposants, rares, désirés, mystérieux, mais simples, des rites comme surnaturels, mais aussi convenables à la raison de l’homme qu’à son cœur. Il fallait ce qu’un grand génie pouvait seul établir, et que je ne fais qu’entrevoir.

Mais vous avez fabriqué, raccommodé, essayé, corrigé, recommencé je ne sais quel amas incohérent de cérémonies triviales et de dogmes un peu propres à scandaliser les faibles : vous avez mêlé ce composé hasardeux à une morale quelquefois fausse, souvent fort belle, et habituellement austère, seul point sur lequel vous n’ayez pas été gauches. Vous passez quelques centaines d’années à arranger tout cela par inspiration, et votre lent ouvrage, industrieusement réparé, mais mal conçu, n’est fait pour durer qu’à peu près autant de temps que vous en mettez à l’achever.

Jamais on ne fit une maladresse plus surprenante que de confier le sacerdoce aux premiers venus, et d’avoir un ramas d’hommes de Dieu. On multiplia hors de toute mesure un sacrifice dont la nature était essentiellement l’unité. On parut ne voir jamais que les effets directs et les convenances du moment ; on mit partout des sacrificateurs et des confesseurs ; on fit partout des prêtres et des