Page:Senancourt Obermann 1863.djvu/197

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Si quelques hommes ont été un fléau pour l’homme, ce sont bien les législateurs profonds qui ont rendu le mariage indissoluble, afin que l’on fût forcé de s’aimer. Pour compléter l’histoire de la sagesse humaine, il nous en manque un, qui, voyant la nécessité de s’assurer de l’homme suspecté d’un crime et l’injustice de rendre malheureux en attendant son jugement celui qui peut être innocent, ordonne dans tous les cas deux ans de cachot provisoirement, au lieu d’un mois de prison, afin que la nécessité de s’y faire adoucisse le sort du détenu et lui rende sa chaîne aimable.

On ne remarque pas assez quelle insupportable répétition de peines comprimantes, et souvent mortelles, produisent, dans le secret des appartements, ces humeurs difficiles, ces manies tracassières, ces habitudes orgueilleuses à la fois et petites, où s’engagent, par hasard, sans le soupçonner et sans pouvoir s’en retirer, tant de femmes à qui on n’a jamais cherché à faire connaître le cœur humain. Elles achèvent leur vie avant d’avoir découvert qu’il est bon de savoir vivre avec les hommes : elles élèvent des enfants ineptes comme elles ; c’est une génération de maux, jusqu’à ce qu’il survienne un tempérament heureux qui se forme lui-même un caractère ; et tout cela parce qu’on a cru leur donner une éducation très-suffisante en leur apprenant à coudre, danser, mettre le couvert et lire les psaumes en latin.

Je ne sais pas quel bien peut résulter de ce qu’on ait des idées étroites, et je ne vois pas qu’une imbécile ignorance soit de la simplicité : l’étendue des vues produit au contraire moins d’égoïsme, moins d’opiniâtreté, plus de bonne foi, une délicatesse officieuse, et cent moyens de conciliation. Chez les gens trop bornés, à moins que le cœur ne soit d’une bonté extrême, ce qu’il faut rarement attendre, vous ne voyez qu’humeur, oppositions, entête-