Page:Senancourt Obermann 1863.djvu/208

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ciper sur l’ordre des événements, et notre impatience ne saurait attendre cette tardive maturité.

On dirait aussi qu’une volonté inconnue, qu’une intelligence d’une nature indéfinissable nous entraîne par des apparences, par la marche des nombres, par des songes dont les rapports avec les faits surpassent de beaucoup les probabilités du hasard. On dirait que tous les moyens lui servent à nous séduire ; que les sciences occultes, que les résultats extraordinaires de la divination, et les vastes effets dus à des causes imperceptibles, sont l’ouvrage de cette industrie cachée ; qu’elle précipite ainsi ce que nous croyons conduire ; qu’elle nous égare afin de varier le monde. Si vous voulez avoir un sentiment de cette force invisible et de l’impuissance où l’ordre même se trouve de produire la perfection, calculez toutes les forces bien connues, vous verrez qu’elles n’ont pas le résultat direct. Faites plus ; imaginez un ordre de choses où toutes les convenances particulières soient observées, où toutes les destinations particulières soient remplies : vous trouverez, je crois, que l’ordre de chaque chose ne produirait pas le véritable ordre des choses ; que tout serait trop bien ; que non-seulement ce n’est pas ainsi que va le monde, mais que ce n’est pas même ainsi qu’il pourrait aller, et qu’une perpétuelle déviation dans les détails opposés semble être la grande loi de l’universalité des choses.

Voici des faits sur un objet où les probabilités peuvent être calculées rigoureusement, des songes relatifs à la loterie de Paris. J’en ai connu douze ou quinze avant les tirages. La personne âgée qui les faisait n’avait assurément ni le démon de Socrate, ni aucune donnée cabalistique ; elle était pourtant mieux fondée à s’entêter de ses songes que moi à l’en dissuader. La plupart furent réalisés : il y avait au moins vingt mille à parier contre un que l’événement