Page:Senancourt Obermann 1863.djvu/239

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tude ; leurs sensations plus indécentes qu’avides, leurs idées plus grossières que voluptueuses, leur mépris pour les femmes, preuve assez claire du mépris qu’ils ont eux-mêmes mérité, tout leur rappelle ce que l’amour a d’odieux et peut-être ce qu’il a de dangereux. Son charme primitif, sa grâce si puissante sur les âmes pures, tout ce qu’il a d’aimable et d’heureux n’est plus pour eux. Ils sont parvenus à ce point qu’il ne leur faut que des filles pour s’amuser sans retenue et avec leur dédain habituel, ou des femmes très-modestes qui puissent leur imposer encore quand aucune délicatesse ne les contient plus, et qui, n’étant pas des femmes à leur égard, ne leur donnent point le sentiment importun de ce qu’ils ont perdu.

N’est-il pas visible que si une mise un peu libre leur déplaît, c’est que leur imagination dégradée et leurs sens affaiblis ne peuvent plus être émus que par une sorte de surprise ? Ce qui fait leur humeur chagrine, c’est le dépit de ne plus pouvoir sentir dans des occasions ordinaires et faciles. Ils n’ont la faculté de voir que les choses qui ont été cachées et qui sont découvertes subitement : comme un homme presque aveugle n’est averti de la présence de la lumière qu’en passant brusquement des ténèbres à une grande clarté.

Quiconque entend quelque chose aux mœurs trouvera que la femme méprisable est celle qui, scrupuleuse et sévère dans ses habitudes visibles, prépare, pendant plusieurs jours de réflexions, le moyen d’en imposer à un mari qui met son honneur ou sa satisfaction à la posséder seul. Elle rit avec son amant ; elle plaisante son mari trompé : je mets au-dessus d’elle une courtisane qui conserve quelque dignité, quelque choix, et surtout quelque loyauté dans ses mœurs trop libres.

Si les hommes étaient seulement sincères, malgré leurs