Page:Senancourt Obermann 1863.djvu/27

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produisent sur nous les choses par leur influence absolue que nous ne pourrons changer, du moins nous conserverons toujours beaucoup du premier mouvement imprimé, et nous approcherons, par ce moyen, plus que nous ne saurions l’espérer par aucun autre de l’heureuse persévérance du sage.

Dès que l’homme réfléchit, dès qu’il n’est plus entraîné par le premier désir et par les lois inaperçues de l’instinct, toute équité, toute moralité devient en un sens une affaire de calcul, et la prudence est dans l’estimation du plus ou du moins. Je crus voir dans ma conclusion un résultat aussi clair que celui d’une opération sur les nombres. Comme je vous fais l’histoire de mes intentions, et non celle de mon esprit, et que je veux bien moins justifier ma décision que vous dire comment je me suis décidé, je ne chercherai pas à vous rendre un meilleur compte de mon calcul.

Conformément à cette manière de voir, je quitte les soins éloignés et multipliés de l’avenir, qui sont toujours si fatigants et souvent si vains ; je m’attache seulement à disposer, une fois pour la vie, et moi et les choses. Je ne me dissimule point combien cet ouvrage doit sans doute rester imparfait, et combien je serai entravé par les événements ; mais je ferai du moins ce que je trouverai en mon pouvoir.

J’ai cru nécessaire de changer les choses avant de me changer moi-même. Ce premier but pouvait être beaucoup plus promptement atteint que le second ; et ce n’eût pas été dans mon ancienne manière de vivre que j’eusse pu m’occuper sérieusement de moi. L’alternative du moment difficile où je me trouvais me força de songer d’abord aux changements extérieurs. C’est dans l’indépendance des choses, comme dans le silence des passions, que l’on peut s’étudier. Je vais choisir une retraite dans