Page:Senancourt Obermann 1863.djvu/283

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tage. Il fallait prévenir les suites de cette trop grande différence, et non pas y joindre des lois morales qui fussent propres à l’accroître encore. Mais les vieillards ont fait ces lois ; et les vieillards, n’ayant plus le sentiment de l’amour, ne sauraient avoir ni la véritable pudeur ni la délicatesse du goût. Ils ont très-mal entendu ce que leur âge ne devait plus entendre. Ils auraient entièrement proscrit l’amour, s’ils avaient pu trouver d’autres moyens de reproduction. Leurs sensations surannées ont flétri ce qu’il fallait contenir dans les grâces du désir ; et, pour éviter quelques écarts odieux à leur impuissance, ils imaginèrent des entraves si gauches, que la société est troublée tous les jours par de véritables crimes que ne se reproche même point l’honnête homme qui n’a pas réfléchi[1].

C’est dans l’amour qu’il fallait permettre tout ce qui n’est pas vraiment nuisible. C’est par l’amour que l’homme se perfectionne ou s’avilit ; c’est en cela surtout qu’il fallait retenir son imagination dans les bornes d’une juste liberté, qu’il fallait mettre son bonheur dans les limites de ses devoirs, qu’il fallait régler son jugement par le sentiment précis de la raison des lois. C’était le plus puissant moyen naturel de lui donner la perception de toutes les délicatesses du goût et de leur vraie base, d’ennoblir et de réprimer ses affections, d’imprimer à toutes ses sensations une sorte de volupté sincère et droite, d’inspirer à l’homme mal organisé quelque chose de la sensibilité de l’homme supérieur, de les réunir, de les concilier, de former une patrie réelle, et d’instituer une véritable société.

Laissez-nous des plaisirs légitimes ; c’est notre droit,

  1. C’est dans l’amour que la déviation est devenue extrême chez les nations à qui nous trouvons des mœurs ; et c’est ce qui concerne l’amour que nous avons exclusivement appelé mœurs.