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La vraie pudeur doit seule contenir la volupté. La pudeur est une perception exquise, une partie de la sensibilité parfaite ; c’est la grâce des sens, et le charme de l’amour. Elle évite tout ce que nos organes repoussent ; elle permet ce qu’ils désirent ; elle sépare ce que la nature a laissé à notre intelligence le soin de séparer ; et c’est principalement l’oubli de cette réserve voluptueuse qui éteint l’amour dans l’indiscrète liberté du mariage[1].

LETTRE LXIV.

Saint-Saphorin, 10 juillet, VIII.

Il n’y a pas l’ombre de sens dans la manière dont je vis ici. Je sais que j’y fais des sottises, et je les continue sans

  1. Voici une partie de ce que j’ai retranché du texte. L’on trouvera peut-être que j’eusse dû le supprimer entièrement. Mais je réponds, pour cette circonstance-ci et pour d’autres, que l’on peut se permettre de parler aux hommes quand on n’a rien dans sa pensée qu’on doive leur taire. Je suis responsable de ce que je publie. J’ose juger les devoirs : si jamais on peut me dire qu’il me soit arrivé de manquer, en ce genre, à des devoirs réels, non-seulement je ne les jugerai plus, mais je renoncerai pour toujours au droit d’écrire.
    « J’aurais peu de confiance dans une femme qui ne sentirait pas la raison de ses devoirs, qui les suivrait strictement, aveuglément et par l’instinct de la prévention. Il peut arriver qu’une telle conduite soit sûre ; mais ce genre de conduite ne me satisfera pas. J’estime davantage une femme que rien absolument ne pourrait engager à trahir celui qui compterait sur sa foi, mais qui, dans sa liberté naturelle, n’étant liée ni par une promesse quelconque, ni par un attachement sérieux, et se trouvant dans des circonstances assez particulières pour l’y déterminer, jouirait avec plusieurs hommes, et même dans l’ivresse, dans la nudité, dans la délicate folie du plaisir (K). »