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commencé par faire élever un grand toit couvert d’ancelles, qui joindra la grange et la maison, et sous lequel seront le bûcher, la fontaine, etc. C’est maintenant l’atelier général, et on y a pratiqué à la hâte quelques cases où l’on passe la nuit, pendant que la beauté de la saison le permet. De cette manière, les ouvriers ne sont point dérangés, l’ouvrage avancera beaucoup plus. Ils font aussi leur cuisine en commun, et me voilà à la tête d’un petit État très-laborieux et bien uni. Hantz, mon premier ministre, daigne quelquefois manger avec eux. Je suis parvenu à lui faire comprendre que, quoiqu’il eût l’intendance de mes bâtiments, s’il voulait se faire aimer de mon peuple, il ferait bien de ne point mépriser des hommes de condition libre, des paysans, des ouvriers à qui peut-être la philosophie du siècle donnerait l’impudence de l’appeler valet.

Si vous trouvez un moment, envoyez-moi vos idées sur tous les détails auxquels vous penserez, afin qu’en disposant les choses pour longtemps, et peut-être pour la vie, je ne fasse rien qu’il faille ensuite changer.

Adressez à Imenstrôm, par Vevay.

LETTRE LXVII.

Imenstrôm, 21 juillet, VIII.

Ma chartreuse n’est éclairée par l’aurore en aucune saison, et ce n’est presque que dans l’hiver qu’elle voit le coucher du soleil. Vers le solstice d’été, on ne le voit pas le soir, et on ne l’aperçoit le matin que trois heures après le moment où il a passé l’horizon. Il sort alors entre les tiges droites des sapins, près d’un sommet nu, qu’il éclaire plus haut que lui dans les cieux ; il paraît porté sur l’eau du torrent, au-dessus de sa chute ; ses rayons divergent avec le plus grand éclat à travers le bois noir ;