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leurs, je n’espère plus rien : cependant... Adieu. Si vales, bene est.




16 juin.

Quand je songe que vous vivez occupé et tranquille, tantôt travaillant avec intérêt, tantôt prenant plaisir à ces distractions qui reposent, j’en viens presque au point de blâmer l’indépendance, que j’aime beaucoup pourtant. Il est incontestable que l’homme a besoin d’un but qui le séduise, d’un assujettissement qui l’entraîne et lui commande. Cependant il est beau d’être libre, de choisir ce qui convient à ses moyens, et de n’être point comme l’esclave qui fait toujours le travail d’un autre. Mais j’ai trop le temps de sentir toute l’inutilité, toute la vanité de ce que je fais. Cette froide estimation de la valeur réelle des choses tient de bien près au dégoût de toutes.

Vous faites vendre Chessel : vous allez acquérir près de Bordeaux. Ne nous reverrions-nous jamais ? Vous étiez si bien ! mais il faut que la destinée de chacun soit remplie. Il ne suffit pas que l’on paraisse content : moi aussi je parais devoir l’être, et je ne suis pas heureux. Quand vous le serez, envoyez-moi du sauterne ; je n’en veux pas auparavant. Mais vous le serez, vous dont le cœur obéit à la raison. Vous le serez, homme bon, homme sage que j’admire et ne puis imiter : vous savez employer la vie ; moi, je l’attends. Je cherche toujours au delà, comme si les heures n’étaient pas perdues, comme si l’éternelle mort n’était pas plus près que mes songes.

LETTRE LXXV.

Im., 28 juin, IX.

Je n’attendrai plus des jours meilleurs. Les mois changent, les années se succèdent : tout se renouvelle en