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LETTRE LXXVII.

6 juillet, IX.

Dans cette contrée inégale où les incidents de la nature, réunis dans un espace étroit, opposent les formes, les produits, les climats, l’espèce humaine elle-même ne peut avoir un caractère uniforme. Les différences des races y sont plus marquées qu’ailleurs ; elles furent moins confondues par le mélange dans ces terres reculées, qu’on crut longtemps inaccessibles, dans ces vallées profondes, retraite antique des hordes fugitives ou épuisées. Ces tribus étrangères les unes aux autres sont restées isolées dans leurs limites sauvages ; elles ont conservé autant d’habitudes particulières dans l’administration, dans le langage et les mœurs, que leurs montagnes ont de vallons, ou quelquefois de pâturages et de hameaux. Il arrive qu’en passant un torrent six fois dans une route d’une heure, on trouve autant de races d’une physionomie distincte, et dont les traditions confirment la différente origine.

Les cantons subsistants maintenant[1] sont formés d’une multitude d’États. Les faibles ont été réunis par crainte, par alliance, par besoin ou par force, aux républiques déjà puissantes. Celles-ci, à force de négocier, de s’arrondir, de gagner les esprits, d’envahir ou de vaincre, sont parvenues, après cinq siècles de prospérités, à posséder toutes les terres qui peuvent entendre les cloches de leurs capitales.

Respectable faiblesse ! si on a su, si on a pu y trouver les moyens de ce bonheur public vraisemblable dans une enceinte marquée par la nature des choses, impossible

  1. Avant la dernière révolution de la Suisse.