Page:Senancourt Obermann 1863.djvu/382

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment il s’est pu qu’il le permît, ou qu’il ne pût pas l’empêcher ; et quelle force étrangère à la puissance universelle a produit l’universel cataclysme ? Ce système expliquera tout, excepté la principale difficulté ; mais le dogme oriental des deux principes était plus clair.

Quoi qu’il en puisse être sur une question peu faite sans doute pour l’habitant de la terre, je ne connais rien qui rende raison du phénomène perpétuel dont tous les accidents accablent notre intelligence, et déconcertent notre curieuse avidité. Nous voyons les individus s’agglomérer et se propager en espèces, pour marcher avec une force multipliée et continue vers je ne sais quel but dont ils sont repoussés sans cesse. Une industrie céleste produit sans relâche, et par des moyens infinis. Un principe d’inertie, une force morte résiste froidement ; elle éteint, elle détruit en masse. Tous les agents particuliers sont passifs ; ils tendent néanmoins avec ardeur vers ce qu’ils ne sauraient soupçonner, et le but de cette tendance générale, inconnu d’eux, paraît l’être de tout ce qui existe. Non-seulement le système des êtres semble plein de contrastes dans les moyens, et d’oppositions dans les produits ; mais la force qui le meut paraît vague, inquiète, énervée ou balancée par une force indéfinissable : la nature paraît empêchée dans sa marche, et comme embarrassée et incertaine.

Nous croirons discerner une lueur dans l’abîme, si nous entrevoyons les mondes comme des sphères d’activité, comme des ateliers de régénération où la matière travaillée graduellement, et subtilisée par un principe de vie, doit passer de l’état passif et brut à ce point d’élaboration, de ténuité, qui la rendra enfin susceptible d’être imprégnée de feu et pénétrée de lumière. Elle sera employée par l’intelligence, non plus comme des matériaux informes, mais comme un instrument perfectionné, puis