Page:Senancourt Obermann 1863.djvu/395

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Je sentis que, s’il eût passé dix années dans un caveau humide, sa santé en fût restée altérée ; que les peines morales peuvent aussi laisser des impressions ineffaçables, et que, quand un homme sensé se plaint des malheurs qu’il paraît ne plus éprouver, ce sont leurs suites et leurs conséquences diverses qu’il déplore.

Quand on a volontairement laissé échapper l’occasion de bien faire, on ne la retrouve ordinairement pas ; c’est ainsi qu’est punie la négligence de ceux dont la nature était de faire le bien, mais que retiennent les considérations du moment, ou les intérêts de leurs passions. Quelques-uns de nous joignent à cette disposition naturelle la volonté raisonnée de la suivre, et l’habitude de faire taire toute passion contraire ; leur unique intention, leur premier désir est de jouer bien en tout le rôle d’homme, et d’exécuter ce qu’ils jugent être bon. Verront-ils sans regret s’éloigner d’eux toute possibilité de faire bien ces choses qui n’appartiennent qu’à la vie privée, mais qui sont importantes parce que très-peu d’hommes songent réellement à les bien faire ?

Ce n’est pas une partie de la vie aussi peu étendue, aussi secondaire qu’on le pense, de faire pour sa femme non pas seulement ce que le devoir prescrit, mais ce qu’une raison éclairée conseille, et même tout ce qu’elle permet. Bien des hommes remplissent avec honneur de grandes fonctions publiques, qui n’eussent pas su agir dans leur intérieur, comme Fonsalbe eût fait s’il eût eu une femme d’un esprit juste et d’un caractère sûr, une femme qui fût ce qu’il fallait pour qu’il suivit sa pensée.

Les plaisirs de la confiance et de l’intimité sont grands entre des amis ; mais, animés et multipliés par tous ces détails qu’occasionne le sentiment de la différence des sexes, ces plaisirs délicats n’ont plus de bornes. Est-il une habitude domestique plus délicieuse que d’être bon et