Page:Senancourt Obermann 1863.djvu/416

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avoir tout adopté, tout quitté, tout repris, tout usé, trouvez encore à esquisser quelques pamphlets indécis, afin de faire dire : Le voilà avec ses mots expressifs et ingénieusement accolés, bien qu’un peu rebattus. Passez les premiers, hommes séduisants et séduits ; car enfin vous passerez vite, et il est bon que vous ayez votre temps. Montrez-vous donc aujourd’hui dans votre adresse et votre prospérité.

Ne serait-on pas à peu près sûr de rendre un ouvrage utile, sans le déshonorer par des intrigues, pour hâter la célébrité de l’auteur ? Restez-vous dans la retraite, ou même vivez-vous sans bruit dans une capitale ; enfin votre nom est-il inconnu, et votre livre ne s’écoule-t-il pas ? Qu’un certain nombre d’exemplaires en soient déposés dans les bibliothèques, ou envoyés, sans en demander compte, à des libraires dans les grandes villes ; tôt ou tard cet écrit sera mis à sa place avec autant de vraisemblance que si vous aviez mendié des suffrages.

Ainsi ma tâche est indiquée. Il ne me reste plus qu’à la remplir, si ce n’est avec bonheur, avec éclat, du moins avec quelque zèle et quelque dignité. Je renonce à diverses choses, me bornant presque à éviter la douleur. Serai-je à plaindre dans la retraite, ayant l’activité, l’espérance et l’amitié ? Etre occupé sans devenir trop laborieux, contribue essentiellement à la paix de l’âme, de tous les biens le moins illusoire. On n’a plus besoin de plaisirs, puisque les avantages les plus simples donnent des jouissances : c’est ainsi que tant d’hommes bien portants s’accommodent des aliments les moins recherchés. Qui ne voit que l’espérance est préférable aux souvenirs ? Dans notre vie, continuel passage, l’avenir importe seul. Ce qui est arrivé disparaît, et le présent même nous échappe s’il ne sert de moyen. D’agréables traces du passé ne me paraissent un grand avantage que pour les imagi-