Page:Senancourt Obermann 1863.djvu/93

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fait ordinairement beaucoup ; mais je modifie sa pensée à ma manière, car je parle encore après lui.

Laissant Wolf, Crouzas et le sixième sens d’Hutcheson, je pense à peu près comme tous les autres ; et c’est pour cela que je ne pense point que la définition du beau puisse être exprimée d’une manière si simple et si brève que l’a fait Diderot. Je crois, comme lui, que le sentiment de la beauté ne peut exister hors de la perception des rapports ; mais de quels rapports ? S’il arrive que l’on songe au beau quand on voit des rapports quelconques, ce n’est pas qu’on en ait alors la perception, l’on ne fait que l’imaginer. Parce qu’on voit des rapports, on suppose un centre, on pense à des analogies, on s’attend à une extension nouvelle de l’âme et des idées ; mais ce qui est beau ne fait pas seulement penser à tout cela comme par réminiscence ou par occasion, il le contient et le montre. C’est un avantage sans doute quand une définition peut être exprimée par un seul mot ; mais il ne faut pas que cette concision la rende trop générale et dès lors fausse.

Je dirai donc : Le beau est ce qui excite en nous l’idée de rapports disposés vers une même fin, selon des convenances analogues à notre nature. Cette définition renferme les notions d’ordre, de proportions, d’unité, et même d’utilité.

Ces rapports sont ordonnés vers un centre ou un but ; ce qui fait l’ordre et l’unité. Ils suivent des convenances qui ne sont autre chose que la proportion, la régularité, la symétrie, la simplicité, selon que l’une ou l’autre de ces convenances se trouve plus ou moins essentielle à la nature du tout que ces rapports composent. Ce tout est l’unité sans laquelle il n’y a pas de résultat, pas d’ouvrage qui puisse être beau, parce qu’alors il n’y a pas même d’ouvrage. Tout produit doit être un : on n’a rien fait si l’on n’a pas mis d’ensemble à ce qu’on a fait. Une chose