Page:Senart - Essai sur la légende du Buddha.djvu/31

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Il nous faut cependant remonter plus haut encore. On a cru découvrir entre les données des livres canoniques singhalais et les récits développés une véritable opposition de caractère. C’est là une illusion. Il est évident que nos traditions ne nous sont parvenues, dans le canon pâli, que sous une forme peu explicite ; pour quelques parties importante s’y tout s’y réduit à de simples allusions. Il est également certain que ces fragments ont une allure bien moins descriptive et moins poétique que les versions du Lalita Vistara. Je ne me prévaudrai pas de l'état imparfait de nos connaissances, et je ne prétends pas escompter l’espoir de découvrir quelque jour au midi des versions canoniques plus explicites. Les faits actuellement acquis suffisent à nous éclairer.

A priori, cette brièveté, cette simplicité apparente des données pâlies, souffre une double explication. Elle peut venir de ce que ces versions sont plus primitives, plus authentiques ; elle peut venir aussi de ce qu’elles ont été remaniées et simplifiées. Tel chapitre d’Évhémère, si nous possédions son livre, nous paraîtrait à coup sûr très vraisemblable et très sensé en comparaison des documents poétiques, infiniment plus authentiques et plus anciens, qu’il aurait réduits en un semblant d’histoire. Le mythe ne se révèle pas seulement par une extravagance absolue. Nécessairement il contient toujours une forte proportion de données qui en soi n’ont rien d'absurde. Le dieu ne se manifeste pas toujours dans l’éclat de la foudre. L’étrangeté de certains détails, la disproportion illogique entre les effets et leur cause présumée, la singularité unique de certaines formules appliquées à des faits qu’il était aisé et naturel d’exprimer autrement, peuvent devenir autant d’indices irrécusables d’une influence mythique. Il en est un peu de certaines traditions