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risation expresse d’épouser, au moins à titre secondaire, des femmes de castes inférieures, toute la théorie enfin des castes mêlées, constatent que la règle n’était pas appliquée avec la sévérité uniforme que supposerait la formule générale. L’interdiction même d’épouser une çûdrâ, qui, pour les brahmanes et les kshatriyas, est répétée avec insistance, comporte visiblement bien des accommodemens. À plus forte raison en est-il de même des préceptes qui règlent la nourriture. Finalement, et sauf des réserves embarrassées, l’emploi de la viande elle-même est toléré. L’abstention des spiritueux, ordonnée ailleurs en termes si forts, n’apparaît plus en certains passages que comme un simple conseil de perfection.

En dépit de l’autorité divine sous laquelle elle s’abrite, la tradition a des concessions bien compromettantes. Ses formules semblent absolues ; mais, en vingt endroits, elle nous avertit que la règle véritable réside dans la coutume, que c’est l’usage propre à chaque région, à chaque caste, qui fait loi ; c’est d’après cet usage qu’un roi soucieux de ses devoirs doit régler ses actes et ses arrêts[1]. Dans une large mesure, cela est vrai aujourd’hui encore. Il y a là un trait qui caractérise tout le passé de l’Inde : les connaisseurs les plus

  1. Ibid., VIII, 41.