Page:Senart - Les Castes dans l Inde les faits et le système.djvu/158

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rédacteurs des livres ont simplement soudé en un système des faits isolés, plus ou moins exceptionnels, prêté un aspect impératif à ce qui n’était qu’un idéal de perfection rarement réalisé. Ne voit-on pas tel théoricien littéraire créer une catégorie dramatique pour une seule pièce[1], et généraliser un cas si particulier en un précepte universel ?

Ces législateurs religieux et moralistes obéissaient donc à un penchant naturel très puissant sur l’esprit hindou. Ils obéissaient aussi, plus ou moins sciemment, il n’importe, à une tendance personnelle, intéressée, dont l’action partout apparente achève d’enlever à leur œuvre l’autorité d’un document sincère. Avant tout, ils se proposent de consacrer la suprématie absolue des brâhmanes. Tout chez eux est rapporté à cette glorification, tendu vers cet intérêt. Sortis de leurs écoles, les livres sont calculés pour exalter leur pouvoir, fortifier leur prééminence. Maîtres exclusifs de la littérature, ce sont eux aussi qui ont donné leur forme aux traditions épiques ; il est naturel que, malgré des dissonances accidentelles, elles reflètent, avec autant d’insistance que la littérature sacerdotale elle-même, les prétentions des brâh-

  1. Revue des Deux Mondes, art. cité, p. 93 suiv.